Les 6 critères à surveiller avant d’acheter une montre de luxe quand on pense comme un investisseur

11 mai 2025
Les 6 critères à surveiller avant d’acheter une montre de luxe quand on pense comme un investisseur

Les montres de luxe ne sont plus seulement des objets de passion : elles sont devenues pour certains des placements à part entière, prisés dans une optique de diversification patrimoniale. En effet, la demande mondiale de garde-temps exclusifs a explosé ces dernières années, entraînant une envolée des prix et du potentiel d’investissement de ces pièces d’horlogerie. Toutefois, aborder l’achat d’une montre comme un investissement nécessite de la méthode. Il s’agit d’évaluer la montre avec objectivité, selon des critères précis, afin d’estimer ses chances de prendre de la valeur ou au moins de préserver sa valeur sur le marché secondaire.

Nous allons passer en revue six critères clés qu’un investisseur avisé devrait examiner avant d’acquérir une montre de luxe : la liquidité, la volatilité, la croissance potentielle, la popularité, la rareté, sans oublier la passion – ce facteur subjectif qui rappelle que l’émotionnel a toujours sa place. Chacun de ces critères permet d’analyser la montre sous un angle différent, et c’est en les combinant que l’on pourra équilibrer raison et plaisir dans l’acte d’achat.

1. Liquidité : la facilité de revente sans décote

Le premier critère à considérer est la liquidité de la montre, c’est-à-dire sa facilité à être revendue rapidement sans forte décote par rapport au prix du marché. Un investisseur doit se demander : pourrai-je trouver facilement un acheteur au moment où je voudrai céder cette pièce ?

En tant qu’actif alternatif, une montre de luxe reste généralement moins liquide que des actions cotées ou de l’immobilier. Le nombre potentiel d’acheteurs pour un modèle donné est limité, et certaines montres ne changent pas de mains pendant de longues périodes. Concrètement, cela signifie qu’il peut être difficile de connaître à tout instant la valeur exacte d’une montre rare, et qu’il faut souvent prévoir des délais de vente plus longs qu’avec des placements traditionnels. Un marché peu liquide implique aussi qu’on devra peut-être consentir une réduction de prix pour conclure la vente rapidement. Un investisseur devra donc privilégier les modèles pour lesquels il existe une forte demande constante, assurant une liquidité interne élevée du marché des collectionneurs.

Certaines montres jouissent d’une excellente liquidité parce qu’elles sont très recherchées et facilement reconnaissables. Par exemple, les pièces emblématiques de marques renommées – Rolex Daytona, Audemars Piguet Royal Oak, Patek Philippe Nautilus, etc. – se revendent en général assez aisément grâce à leur notoriété et à l’attrait qu’elles exercent sur de nombreux acheteurs potentiels. En revanche, des modèles plus confidentiels ou des marques moins connues risquent d’exiger patience ou rabais pour trouver preneur. Conseil : avant d’acheter, observez le marché secondaire (enchères, plateformes en ligne) pour voir le volume d’échanges sur le modèle convoité. Une montre régulièrement échangée à des prix stables témoigne d’une liquidité satisfaisante, alors qu’une pièce dont on ne trouve que quelques exemplaires en vente active pourrait être plus difficile à revendre rapidement.

2. Volatilité : la stabilité des prix dans le temps

Le deuxième critère, la volatilité, mesure l’ampleur des fluctuations de prix de la montre au fil du temps. Un investisseur préfèrera en général un actif dont la valeur évolue de façon relativement stable et prévisible, plutôt qu’un yo-yo spéculatif.

Plusieurs facteurs distinguent la volatilité du marché des montres de celui d’autres actifs. D’une part, les montres de luxe étant des biens passionnels, leurs prix peuvent parfois s’écarter des fondamentaux économiques. Contrairement aux actions ou à l’or dont les fluctuations obéissent souvent à des raisons tangibles, l’horlogerie de collection est portée par l’émotion – ce qui rend l’évolution des prix moins rationnelle et plus difficile à prédire. Des effets de mode ou des emballements collectifs peuvent faire flamber temporairement la cote de certains modèles, suivis de corrections une fois la « bulle » retombée. C’est ainsi qu’après une envolée spéculative jusqu’au printemps 2022, les montres très prisées ont connu une baisse de prix significative dans les mois suivants, renouant avec des niveaux plus en phase avec la réalité du marché.

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D’autre part, sur un horizon de moyen à long terme, les montres de qualité tendent à afficher une courbe de valeur relativement régulière. En observant l’historique des prix de nombreux garde-temps réputés, on constate que leur valeur augmente de manière stable dans le temps, en dépit de légères baisses ponctuelles. Cette stabilité relative se vérifie aussi de façon macroéconomique : selon une étude récente, l’ajout de montres de luxe dans un portefeuille d’investissement classique peut en réduire sensiblement la volatilité globale (par exemple de 13,4 % à 12,1 % de variance annuelle en allouant 10 % du portefeuille aux montres) sans quasiment altérer le rendement. En d’autres termes, le marché horloger de luxe a historiquement été moins volatil que la bourse, ce qui en fait un atout pour l’investisseur prudent cherchant des actifs tangibles au comportement plus régulier.

Concrètement, évaluer la volatilité d’une montre revient à étudier l’historique de sa cote. A-t-elle connu des sursauts de prix importants, ou son ascension s’est-elle faite de manière progressive ? Un modèle dont le prix a doublé en quelques mois puis chuté brutalement interpellera sur sa stabilité (peut-être s’agissait-il d’un effet de mode passager), tandis qu’une montre qui s’apprécie de, par exemple, +5 % par an depuis des années offre une trajectoire bien plus rassurante. L’investisseur avisé analysera donc les courbes de prix disponibles (indices du marché, résultats d’enchères, ventes publiques) pour jauger la volatilité passée du modèle et anticiper, dans la mesure du possible, sa volatilité future.

3. Croissance : le potentiel d’augmentation de la valeur

La croissance désigne ici le potentiel d’appréciation de la montre à long terme. C’est évidemment un critère central pour qui achète dans une logique d’investissement : on cherche idéalement une montre dont la valeur augmentera avec les années, éventuellement à un rythme supérieur à d’autres placements.

Il faut savoir que globalement, les montres de luxe constituent une classe d’actifs qui s’est valorisée au fil du temps. D’après l’indice Knight Frank Luxury Investment Index, certaines montres bien choisies ont enregistré jusqu’à +108 % de hausse de valeur en 10 ans– soit un doublement de prix sur la décennie, ce qui rivalise avec la performance de certains indices boursiers. Naturellement, toutes les montres ne connaissent pas une telle progression, loin s’en faut. Les potentiels de croissance varient énormément selon les marques et les modèles : les analyses de marché montrent par exemple que certains modèles entre la joaillerie et l'horlogerie ou encore des modèles de certaines maisons indépendante comme F.P Journe ont offert ces dernières années des rendements bien supérieurs à d’autres marques. Le choix précis de la pièce est donc déterminant si l’on vise une belle plus-value.

Plusieurs éléments peuvent soutenir la croissance de la valeur d’une montre. Le prestige de la marque d’abord : une marque établie et très convoitée offre un socle de demande solide. Ensuite, l’attrait intrinsèque du modèle : les références cultes ou celles dotées de caractéristiques spéciales (mouvement innovant, série limitée, design iconique) ont tendance à mieux se valoriser. L’actualité peut aussi jouer : l’annonce de l’arrêt de production d’un modèle, le jubilé d’une collection, ou même le port d’une montre par une célébrité peuvent doper sa cote. Enfin, la dynamique générale du marché de l’occasion intervient : ces dernières années, la demande quasiment insatiable et les difficultés d’accès aux modèles neufs ont créé un contexte propice à la hausse des prix sur le marché secondaire.

Il est également instructif de noter que certaines montres peuvent connaître des envolées spectaculaires de valeur sur le court terme, même si c’est plus rare. Les modèles très tendance ou produits en quantités infimes sont parfois l’objet de surenchères. On se souvient par exemple de la collaboration Omega x Swatch « MoonSwatch », vendue 260 € en boutique mais qui s’échangeait des milliers d’euros juste après sa sortie tant la demande dépassait l’offre ; ou encore de la Patek Philippe Nautilus édition Tiffany, proposée à 52 000 € mais adjugée 3,3 millions de dollars lors d’une vente aux enchères car convoitée par les collectionneurs du monde entier. Ces cas extrêmes illustrent qu’un potentiel de croissance exceptionnel existe pour quelques garde-temps triés sur le volet. Néanmoins, l’investisseur raisonnable ne doit pas compter sur de tels coups de chance : mieux vaut tabler sur une hausse progressive et saine de la valeur, reflet d’une demande structurellement supérieure à l’offre. En résumé, évaluer le critère de croissance revient à estimer si, oui ou non, la montre a de bonnes chances de valoir significativement plus cher demain qu’aujourd’hui, au vu de son historique et des tendances du marché.

4. Popularité : l’attractivité auprès des acheteurs

La popularité d’une montre représente son attractivité actuelle sur le marché, c’est-à-dire l’engouement qu’elle suscite auprès des collectionneurs et acheteurs. C’est un facteur clé car une forte popularité va souvent de pair avec une demande élevée – ce qui soutient les prix et améliore la liquidité.

Celebrities Who Wear the Rolex GMT-Master Watch -

Concrètement, une montre populaire est un modèle que « tout le monde » cherche à avoir dans sa collection. Cela peut tenir à la renommée de la marque, à l’aura légendaire du modèle (par exemple la Rolex Submariner ou la Omega Speedmaster Moonwatch, qui figurent parmi les montres les plus connues au monde), ou encore à une tendance du moment. Par exemple, dans les années récentes, certaines références sportives en acier de Rolex, Patek ou Audemars Piguet ont atteint un niveau de popularité sans précédent, au point que leur prix sur le marché gris a flambé bien au-delà du prix boutique. Cet engouement a parfois été suivi de corrections, mais il prouve l’impact considérable de la popularité sur la valeur : plus un modèle est désiré, plus les acheteurs sont prêts à payer cher pour l’obtenir – et en conséquence, plus il sera aisé de le revendre.

Pour un investisseur, il est donc crucial de jauger la popularité d’une montre à l’instant T, mais aussi d’estimer si cette popularité est durable. Certaines montres jouissent d’une popularité persistante, presque intemporelle : ce sont souvent des classiques dont la réputation s’est construite sur des décennies (ex : Rolex Daytona, Patek Philippe Nautilus, etc.). D’autres connaissent un pic d’attention plus éphémère (un hype passager lié à la mode ou à la publicité). Avant d’acheter, on s’assurera que la pièce « jouit d’une certaine popularité auprès des connaisseurs et investisseurs » – condition presque indispensable pour espérer en faire un actif d’investissement – et on espérera qu’elle conservera cette popularité, voire qu’elle grandira avec le temps. Pour cela, on peut consulter les forums, les réseaux sociaux spécialisés, les résultats des ventes aux enchères : la montre est-elle souvent citée parmi les incontournables ? Suscite-t-elle des listes d’attente à l’achat neuf ? Bénéficie-t-elle d’une communauté de fans fidèle ? Autant d’indices d’une popularité bien ancrée.

Enfin, rappelons que popularité et valeur ne sont pas toujours parfaitement corrélées à court terme. Un pic de popularité soudaine peut surévaluer temporairement un modèle (voir la volatilité ci-dessus), alors qu’une popularité plus confidentielle mais solide peut porter tranquillement une montre vers des sommets sur le long terme. L’investisseur devra faire la part des choses entre l’engouement spéculatif et la popularité structurelle d’un modèle.

5. Rareté : disponibilité et perception d’exclusivité

La rareté d’une montre est un critère objectif (le nombre d’exemplaires produits ou en circulation) mais aussi subjectif (la perception d’exclusivité qu’elle renvoie). Dans l’univers du luxe, on le sait, la loi de l’offre et de la demande s’applique : plus un objet est rare, plus sa valeur a de chances d’être élevée. Pour les montres de collection, cette règle se vérifie particulièrement.

Plusieurs niveaux de rareté existent. Il y a d’abord la production annuelle de la marque : certaines manufactures produisent en très faible quantité. Par exemple, Patek Philippe fabrique moins de 10 000 montres par an, là où Rolex en produit plus d’un million ! Cela signifie que, structurellement, une Rolex est bien plus commune sur le marché qu’une Patek Philippe. La distribution joue également : une édition limitée (disons 100 exemplaires numérotés) ou un modèle discontinué depuis longtemps seront d’autant plus difficiles à dénicher, donc potentiellement très recherchés. Enfin, la rareté perçue compte : même si la production n’est pas ultra-limitée, une montre peut être ressentie comme exclusive si l’accès à l’achat est restreint (par exemple, vendue uniquement à certains grands clients, ou nécessitant des années d’attente en boutique).

Tout ce qu'il faut savoir sur les listes d'attente et plus généralement sur le marché gris | Askme.watch

Du point de vue de l’investissement, la rareté est un atout car elle garantit une certaine excitation des collectionneurs : posséder ce que peu de gens peuvent avoir confère une valeur supplémentaire à l’objet. Toutefois, rareté n’a de valeur que si elle s’accompagne d’une demande réelle (c’est le pendant du critère précédent). Une montre produite à quelques dizaines d’exemplaires, mais qui n’intéresse personne, ne vaudra pas grand-chose. L’idéal est donc une montre à la fois rare et populaire – combinaison qui mène souvent à des cotes élevées.

Avant d’investir, il convient d’évaluer combien d’exemplaires du modèle sont disponibles sur le marché, et quelle est la tendance d’offre : si la montre est encore fabriquée en série et facilement trouvable neuve, elle n’est pas rare du tout. Si au contraire c’est un modèle vintage ou une édition spéciale introuvable en boutique, sa rareté jouera en faveur d’une bonne tenue (voire hausse) de sa valeur. Attention toutefois à la fausse rareté : certaines éditions annoncées comme limitées comptent en réalité des milliers d’exemplaires, ou bien une marque peut augmenter ses volumes de production pour exploiter un filon – ce qui sur le long terme peut diluer la rareté et donc la cote. L’investisseur doit rester attentif à la réalité des chiffres et à la stratégie des marques en la matière.

6. Passion : ne pas oublier l’émotion dans l’équation

Enfin, dernier critère – un peu à part – la passion. Il s’agit de ce que la montre évoque et fait ressentir à son propriétaire. C’est un critère subjectif par essence, mais qu’il ne faut surtout pas négliger, y compris dans une démarche d’investissement. Pourquoi ? Parce qu’une montre de luxe est avant tout un objet coup de cœur, porteur d’histoire, de style et d’émotions, et que cette dimension joue un rôle dans sa valorisation comme dans le plaisir de l’acquérir.

Penser comme un investisseur ne signifie pas devenir complètement froid et calculateur. D’ailleurs, le marché des montres lui-même est dominé par des collectionneurs passionnés, dont l’irrationnel guide souvent les décisions d’achat. La valeur d’une montre peut s’expliquer en partie par des critères objectifs (marque, complications, état, etc.), mais elle dépend aussi de l’attachement qu’on lui porte. Une pièce qui fait rêver, qui a une âme, bénéficiera d’un attrait supplémentaire difficile à chiffrer mais bien réel. C’est ce « facteur X » qui fait qu’un amateur sera prêt à surpayer une référence parce qu’il la désire ardemment, ou qu’il refusera de vendre telle montre de sa collection même face à une belle offre, par pur attachement sentimental.

Pour l’acheteur-investisseur, intégrer la passion dans les critères revient à se poser la question : Est-ce que cette montre me plaît vraiment ? Si la réponse est oui, c’est un plus indéniable. D’une part, vous aurez la satisfaction de la porter et de l’admirer, ce qui est en soi un « retour sur investissement » immatériel mais précieux. D’autre part, en cas de retournement du marché ou de performance décevante, vous n’éprouverez pas de regret amer puisque la montre vous aura apporté du plaisir. Acheter une montre uniquement dans l’espoir de la revendre plus cher plus tard, sans aucune affinité avec elle, est généralement une erreur – comme le souligne le président de Patek Philippe, « Acheter une montre [uniquement pour investir] est injustifié. Au lieu d’en profiter, vous vous contentez de suivre les fluctuations de son prix… Les montres sont faites pour être aimées et achetées dans un seul but : en profiter chaque jour ! ». Autrement dit, la raison et la passion doivent cohabiter dans votre décision d’achat. La passion vous guidera vers les montres qui méritent qu’on s’y intéresse (car souvent, si un modèle vous passionne, il en passionne d’autres aussi, ce qui nourrit le marché), tandis que la raison vous aidera à vérifier que tous les voyants sont au vert du point de vue investissement.

Conclusion : équilibre entre raison et plaisir

En fin de parcours, que retenir pour l’achat d’une montre de luxe dans une optique d’investissement ? Essentiellement qu’il s’agit d’un exercice d’équilibre. Analyser avec raison les six critères – liquidité, volatilité, croissance, popularité, rareté, tout en gardant en tête la composante passion – permet de se forger une opinion éclairée sur la valeur réelle d’une montre et sur son potentiel futur. Penser comme un investisseur impose de la rigueur : on achète idéalement une montre recherchée, stable, à fort potentiel, prisée mais pas surcotée, exclusive sans être hors de portée, et dont on a soigneusement évalué les qualités objectives.

Cependant, penser investisseur ne veut pas dire éteindre la flamme de la passion. Une montre de luxe n’est pas une simple ligne dans un tableau Excel : c’est un objet d’art mécanique que l’on porte au poignet et qui crée du plaisir au quotidien. La réussite d’un achat, c’est quand la tête et le cœur sont alignés – lorsqu’on a su équilibrer la raison et le plaisir. Ainsi, vous pourrez profiter pleinement de votre garde-temps tout en ayant la satisfaction de posséder un actif tangible, potentiellement rémunérateur sur le long terme. En somme, investissez dans les montres que vous aimez, en appliquant les principes vus ci-dessus : votre collection n’en sera que plus belle… et votre patrimoine vous dira merci.

Un article rédigé par Chris Samassa, créateur d'Osterman Watch